Par Gabriel Amard
Secrétaire national du Parti de gauche
La guerre des chiffres est entamée. 50.000 ? 300.000 ? 1 million ? 3 millions ? A vrai dire, peu importe… L'Elysée et le gouvernement auront vraiment tout fait pour détourner l'attention sur la
vraie question.
D'abord, vite vite vite une réforme pendant l'été. Ce ne sont que les retraites, après tout. Ce ne sont que nos années de travail. Ce ne sont que nos pensions, qui sont en jeu. Ca ne
méritait sans doute pas un vrai débat national. On n'écoute à peine les syndicats, on passe au pas de charge. On courbe un peu le dos avant les vacances et les Français qui reviendront bronzés et
gonflés à l'endorphine solaire auront tout oubliés.
Et bien non. Nous n'avons rien oublié du tout. Ni ce projet de loi néfaste, ni notre capacité à nous mobiliser. Si nous n'étions pas aveuglés par cette "guerre des chiffres", nous
verrions alors qu'un mouvement social d'une telle ampleur n'a pas existé depuis bien longtemps. Cette mobilisation est non seulement massive mais ne faiblit pas d'une manifestation à l'autre.
Mais le gouvernement s'entête. Il tente des gesticulations en communication aussi stupides que vaines. "Il n'y avait que 30% de grévistes donc 70 %des Français soutiennent la réforme". Ben tiens.
Nous n'étions que 3 millions dans la rue, donc 57 millions la soutiennent, aussi ?
Non. La droite est responsable du climat délétère qui règne dans notre pays. En pourchassant et en expulsant les Roms, elle ne détourne pas notre regard, elle ne fait qu'exprimer sa
barbarie. En réduisant le champ de la nationalité française, elle ne nous distrait pas, elle ne fait qu'exprimer son manque de fraternité. En votant une énième loi sur la sécurité, elle ne fait
pas que montrer l'inefficacité des précédentes qu'elle a mise en place, elle réduit notre liberté. En ne retirant pas cette contre-réforme des retraites, elle ne fait pas que montrer qu'elle
gouverne pour les riches contre les autres, elle met à mal l'égalité.
Il ne faut pas s'étonner que le climat social se dégrade, dans ces conditions. La fonction même de chef de l'Etat est en train de perdre de son prestige. Lorsque je participais au
rassemblement devant le lycée Corot, à Savigny-sur-Orge, en Essonne, destiné à protester contre Nicolas Sarkozy alors en visite, j'ai été frappé par tous ces lycéens qui collaient spontanément un
autocollant "Casse toi pov'con" sur eux. C'est une chose de le faire en manifestation ; c'en est une autre que de le faire en sa présence. D'ailleurs, pour un petit rassemblement improvisé par
quelques camarades "jeunes" de mon parti, nous avons trouvé plus de 300 élèves voulant se joindre à nous, sans sourciller !
Pour l'instant, nous devons au très grand sens des responsabilités des syndicats que tout ceci se déroule dans le calme. Mais d'un "autisme" volontaire aux provocations récurrentes,
vous fomentez la radicalité qui s'installe dans le cœur des Français. Il n'y a de résignation que dans la tête des éditorialistes : la mobilisation ne faiblit pas. Il existe même des poches de
radicalité qui s'installent. Alors je vous dis : "Ce sont des salariés qui rognent sur leurs payes par votre unique faute. Ce sont des salariés que vous poussez à bout. Vous le faites exprès.
Vous voulez diviser. Vous avez beau jeu de nous renvoyer dos à dos avec une partie de la gauche. Mais nous savons ce qui s'est passé en Grèce, lorsque Georges Papandreou s'est fait élire sur un
programme de gauche avant d'obtempérer aux injonctions libérales du FMI ; nous savons ce qui s'est passé en Espagne, où le gouvernement social-démocrate est en traind e conduite un grand nombre
de réformes régressives pour les salariés ; et nous savons ce qui s'est passé dans notre assemblée nationale, lorsque le Parti socialiste a voté avec la droite sur l'allongement de la durée des
cotisations. Nous n'avons pas cette vision des choses. Vous voulez nous faire croire que nous n'avons pas le choix, que c'est inéluctable. La mobilisation qui gronde, qui gronde de plus en plus
fort vous dit : ceux qui ne savent pas faire, laissez faire ceux qui savent !"
Au Parti de Gauche, nous savons. La preuve dans la brochure en lien sur le blog du PG, "Retraites : une
autre politique est possible". Ce ne sont pas de vains mots. Nos propositions se sont même concrétisées dans plusieurs propositions de lois déposées à l'Assemblée nationale par nos 3
parlementaires Martine Billard, Marc Dolez et Jacques Dessallangre (Ci-joint le lien de la vidéo où vous pouvez retrouver Martine Billard dans son intervention à l'Assemblée nationale :
http://www.lagaucheparlexemple.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=55:martine-billard-retraites-discussion-generale&catid=37:les-videos). Elles seront
compilées dans le livre "Retraites : réplique au gouvernement – Pour déjouer les mensonges", toujours dans ce souci de montrer que c'est possible.
C'est donc une double lame que nous vous préparons : d'abord une défaite dans la rue. Ensuite, une défaite dans les urnes. Et nous n'attendrons pas l'une pour avoir l'autre.