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31 décembre 2011 6 31 /12 /décembre /2011 14:00

"Pour en arriver là" est le titre d'une série de portraits de femmes et d'hommes politiques réalisés par Allan Rothschild et Caroline Roux et produits par "Caméra subjective" pour la chaîne "Planète +". Le 19 décembre 2011 a été diffusé le portrait de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle. Ce documentaire est un récit biographique construit à partir de certains épisodes marquants de sa vie et de son parcours politique.

 


 

Un autre récit filmé m’a aussi impressionné. Celui d’Allan Rothschild pour « Planète + ». L’ambition est immense. Il s’agit de raconter ma vie pour montrer comment j’ai fait « pour en arriver là ». Je ne pouvais pas me mettre à distance de ce récit. Le film ne le permet pas. D’abord à cause des séquences qui illustrent des moments lointains de ma vie où bien des choses se nouèrent dans mon esprit.  Ainsi quand est montrée la cohue du retour d’un million de pieds-noirs plus ou moins hagards ! Paradoxe : cet épisode m’a soudé affectivement aux maghrébins. J’ai d’abord été un « bicot » et un « bougnoule », en France ! Je sais ce que ça fait ! Comment ne serais-je pas totalement impliqué en nous voyant tous, si perdus, si épouvantés sur ces images ! Ensuite viennent les « témoignages ». Autant de coups de poing dans la poitrine ! Je connais chacun de ceux qui parlent. D’aucuns ont été des amis si chers ! Je connais donc le sens qu’ils donnent à leurs paroles et les comptes qu’ils continuent à régler autant avec moi qu’avec eux-mêmes. Ils m’ont confirmé combien on parle de soi quand on parle des autres. Ce qui m’a agacé ou blessé s’est effacé dans les éclats de rire, que seul je peux avoir, mesurant la mauvaise foi qui parfois s’exprime. Et d’autres fois, la chaude affection qui nous unit dans le combat politique. Pourtant je sais que les spectateurs prendront pour argent comptant ce que chacun des témoins aura dit, bon ou mauvais, juste ou faux. « Pas grave », me dis-je. L’intérêt de ce film n’est pas là à mes yeux.

 

L’intérêt de ce film est dans la reconstruction du temps politique auquel il procède. Le travail d’archives et de mise en relation des événements est énorme. C’est un vrai travail d’éducation politique en ce sens qu’il place le « héros » du récit comme un produit de son temps. Je n’en suis qu’une illustration. Et tel est bien l’ordre dans lequel se place la vérité à mon sujet comme à celui de la plupart des militants politiques, hommes et femmes, qui se sont engagés, dans ma génération. Dans ces conditions le récit est fort. Il est utile : chacun le voyant peut se reconstruire lui-même en mesurant sa propre insertion dans ce temps politique. Qu’il s’agisse du temps passé pour ceux qui ont vécu, ou du temps présent pour ceux qui commencent le combat.

 

Les proportions d’influence des événements et des personnes données par le récit du film ne correspondent pas toujours à mon ressenti. C’est inévitable. Il en va de même pour la place qui m’est attribuée dans la chaînes des événements. Un ami très cher qui a vu ce documentaire, m’en à fait un résumé qui m’étrangle. Selon lui, ce récit montre que mon action n’a d’intérêt qu’à partir du moment où je romps avec le PS. Trente ans d’engagement ne vaudraient que par leur fin ? Je ne le crois pas. Mes trente ans de vie au Parti Socialiste sont celle d’un homme de son temps qui a cru jusqu’à la limite de ce qui était raisonnable, et sans aucun doute un peu au-delà, que c’est là que se jouait l’essentiel pour la gauche. Ce fut le cas. Longtemps. Jusqu’à ce que le vote de 2005 sur le référendum puis les conséquences qui furent tirées montrent que le divorce était consommé. C’est de la capitulation sur l’Europe libérale que vient pour moi la nécessité de rompre avec la social-démocratie à l’agonie qui paralyse le mouvement progressiste aujourd’hui. Je ne veux pas que mon engagement politique soit interprété comme une apologie de la rupture avec le Parti Socialiste. Et encore moins comme l’histoire d’un règlement de compte avec des personnages du type de François Hollande. Je le dis parce qu’une autre mode narrative prétend m’expliquer de cette façon et expliquer mon opposition à ce qu’incarne cet homme. Ma part de vérité est d’un autre ordre.

 

Dans mes actes, ce n’est pas la rupture qui compte, c’est la continuité. Le film de Rothschild le dit bien je crois. Mon engagement se mène au fil d’une longue vie d’engagement depuis l’âge de seize ans. Il le fait dans des formes et des cadres différents au service d’une même idée et d’un même combat. Chemin faisant je fais des bilans, je rectifie l’axe de travail, je tire des leçons, je remets en cause des certitudes, j’en conforte d’autres. Je ne suis ni dogmatique ni sectaire, ne prétendant ni avoir toujours eu raison sur tout, ni que d’autres aient eu tort en tous points. C’est ce qui me donne de la force pour demander que la reconnaissance de mes actes de clairvoyance pèse au moins du même poids que mes erreurs reconnues. De même ai-je pu m’accorder avec des gens qui étaient de purs adversaires auparavant, du moment que l’on s’entendait dorénavant sur le fond. Mes guerres ne sont jamais personnelles. L’essentiel est que le fil des idées ne se soit jamais rompu. De là ma distance vis-à-vis des récits qui passent à côté de cette dimension essentielle qui a tout commandé dans mes choix et décisions.

 

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